Le dauphin soldat
Dauphin soldat. Mammifères marins militaires
Contrairement au chien, au cheval ou à la mule, le dauphin et d’autres mammifères marins sont devenus des auxiliaires militaires assez récemment. Les premiers mammifères marins soldats remontent à la Seconde Guerre mondiale.
C’est la Suède qui a utilisé pour la première fois en 1942 des phoques pour plastiquer des sous-marins allemands.
Depuis, c’est surtout le dauphin qui a été utilisé comme soldat, notamment par les Américains et les Soviétiques.
Malgré les vives protestations de nombreuses associations, le dauphin militaire est toujours employé ainsi que l’otarie.
L’armée américaine a utilisé dernièrement des dauphins pendant la guerre en Irak.
Dressage des mammifères marins par l’armée
En 1942, la Suède a eu l’idée d’utiliser des phoques pour faire la chasse aux sous-marins allemands. Ces phoques dressés, équipés d’une mine sur leur dos, devaient nager sous les coques.
La mine à résonance magnétique explosait avec l’animal.
Cette nouvelle tactique de guerre révolutionnaire a ouvert la voie aux expériences militaires. L’US Navy utilise des otaries et des dauphins régulièrement depuis 1960. Des programmes de recherche sont poursuivis notamment par le Naval Undersea Research Development Center de Californie.
Les Soviétiques n’utilisent que des dauphins et d’autres cétacés comme le béluga (ou bélouga).
Béluga. By Wacko . (CC BY-NC-ND 3.0)
Utiliser des animaux pour des missions suicides n’est pas nouveau mais concernant les mammifères marins, ce n’est pas très rentable. Cependant, je ne vous assure pas que certains animaux ne sont plus sacrifiés car l’armée est peu loquace sur ce type d’opération.
Une chose est sûre, le dressage est long et difficile. Ces animaux ne sont pas domestiqués et ne répondent pas au fameux concept « sanction-récompense ».
Otarie soldat. Photo courtesy Navy NewsStand
Le dauphin, par exemple, est capturé dans son environnement naturel. Il doit vaincre sa peur face à ce nouvel environnement et accepter l’intimité avec l’homme.
Au départ, on ne l’alimente pas jusqu’à ce qu’il accepte de venir chercher du poisson dans la main de l’homme.
L’apprentissage s’effectue dans des bassins jusqu’au moment où le dauphin peut être lâché en pleine mer sans harnais.
Mais, avant cette étape finale, il faut apprendre à l’animal à répondre aux appels du dresseur et à rallier rapidement le bateau.
Dauphin soldat. Photo courtesy Navy NewsStand
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il y a eu très peu de désertions.
Une fois l’animal estimé fiable, les militaires commencent le dressage pour des missions spécifiques : récupération d’objets en mer comme des mines ou des torpilles, localisation d’épaves d’avions ou de navires.
Par exemple, pendant la guerre du Golfe, otaries et dauphins ont été utilisés pour repérer des mines mouillées par les Irakiens dans le golfe Persique.
Les différentes missions
En 1970, l’armée américaine met en place un projet baptisé « Quick Find ». Il a pour objectif le dressage d’otaries et de dauphins afin de récupérer, lors des essais en mer, les têtes de fusées et surtout les ordinateurs de vol dont les fusées sont équipées.
Le programme s’est ensuite orienté vers la pose sous-marine d’engins explosifs et la manipulation d’armements ultrasecrets.
En parallèle, les Soviétiques travaillent sur le même type de projet et bien sûr, une course à la montre est engagée entre les deux super puissances.
Dauphin militaire à l'entraînement. Photo courtesy Navy NewsStand
La première unité militaire américaine de ce type était composée uniquement d’otaries.
Ce qui prend le plus de temps et donc d’argent dans ce type d’opération est la localisation de l’objet et non sa récupération par elle-même. Les mammifères marins se sont révélés particulièrement performants.
L’otarie porte entre ses dents une plaque dentelée munie d’un crochet destinée à amener les câbles de récupération.
Dauphin soldat transporté sur son lieu de mission. Photo courtesy Navy NewsStand
Pour une otarie, plonger est un acte naturel et le dressage consiste à leur présenter leur mission comme un jeu.
Les otaries sont également équipées de petites caméras.
Otarie militaire en mission. Photo courtesy Navy NewsStand
Les têtes de fusées sont aujourd’hui équipées d’émetteurs qui envoient un signal ce qui facilite le travail de l’otarie.
En 1976, le magazine américain Newsday a révélé grâce à un ancien ingénieur de l’US Navy que la Marine et la CIA avaient localisé et récupéré, grâce à des otaries, une bombe atomique perdue en mer suite au crash d’un avion près de Porto Rico.
Parler avec les dauphins
Le dauphin entretient avec l’homme des relations très ambiguës. Admiré, il est pourtant massacré.
Victime de la pêche et de la pollution, le dauphin est aujourd’hui dépendant du bon vouloir de l’homme.
Parmi les différentes espèces, les chercheurs utilisent surtout Tursiops truncatus, le Grand dauphin.
C’est lui la star des delphinariums. Ce dauphin a été rendu célèbre par Flipper. Mais, il faut savoir que chaque fois que l’on capture un Grand dauphin pour l’exhiber dans un spectacle, on déstabilise complètement le clan familial.
Dauphin militaire. Photo Courtesy of U.S. Army
Il peut mesurer jusqu’à 4 m de long. C’est un dauphin très sociable dont on a essayé de percer le langage.
Les chercheurs soviétiques ont essayé de mettre au point un système qui permettrait à l’homme de communiquer avec les dauphins. Les Américains travaillent également sur ce projet.
Un rapport de confiance doit s'établir entre le cétacé et son dresseur. Photo courtesy Navy NewsStand
Effectivement, les dauphins sont capables de certaines imitations de notre langage mais dans un régime acoustique différent.
On a également expérimenté, avec succès semble-t-il, un langage par gestes. Les dauphins dressés pourraient comprendre environ 150 mots et mémoriser des phrases de cinq mots au maximum.
Grand dauphin. By Cayusa . (CC BY-NC-ND 3.0)
Nous sommes encore très loin de pouvoir parler avec les dauphins car chaque groupe émet des sons différents.
Cependant, les recherches continuent et peut-être nous faudra-t-il construire un langage commun.
Les capacités du dauphin
Le dauphin possède un système d’écholocation très performant. Son sonar dépasse largement les engins les plus sophistiqués.
Le Grand dauphin émet et reçoit en un millième de seconde, avec des composantes fréquentielles d’intensité variant entre 220 et 250 000 hertz.
Cela signifie que ces signaux de fréquences vont des basses fréquences aux ultrasons.
Dauphins en liberté. By Nittynorns . (CC BY-NC-ND 3.0)
Son système auditif est également très développé. La plupart des sons sous-marins sont inaudibles pour l’homme car nous ne pouvons capter que 18 000 à 20 000 hertz maximum.
Le Grand dauphin capte jusqu’à 220 000 hertz.
A titre de comparaison, le chien capte jusqu’à 80 000 hertz.
Le potentiel hydrodynamique du dauphin est exceptionnel. Il peut plonger jusqu’à 300 m de profondeur et rester en apnée environ 20 minutes.
Il se déplace à 40 km/h.
Dauphins en Thaïlande. By Zest-pk
Toutes ces caractéristiques font du dauphin un auxiliaire militaire précieux. Il peut servir de messager, surveiller les ports, détecter n’importe quel objet sous l’eau, remorquer des hommes-grenouilles ou des embarcations et transporter des charges.
Dauphin tueur ?
Là où l’armée rencontre des difficultés c’est sur les missions ayant pour objectif de tuer.
Le dauphin est connu pour se défendre contre les requins.
Des expériences ont été effectuées afin d’utiliser les dauphins comme gardiens des rivages fréquentés par les requins.
Le « Dolphin Beach Anti Shark System » consistait à laisser un dauphin patrouiller près des plages. Aussitôt qu’il repérait un requin, il appuyait à l’aide de son rostre sur un dispositif d’alarme. D’autres dauphins venaient à la rescousse et tous se jetaient sur l’intrus pour le tuer.
Requin tigre. By Willy Volk . (CC BY-NC-ND 3.0)
De là est venue l’idée d’utiliser les dauphins pour tuer des nageurs de combat ennemis. Mais, tuer un homme est impensable pour le dauphin.
Il pourrait pourtant facilement nous arracher un bras ou une jambe ou encore nous assommer à coup de rostre.
Mais voilà, le dauphin s’y refuse obstinément.
Nager avec les dauphins est toujours un moment magique. By Willy Volk . (CC BY-NC-ND 3.0)
C’est d’ailleurs pour cette raison que chaque année, les Japonais peuvent massacrer en toute facilité à l’arme blanche ou avec des crochets des centaines de dauphins.
Ils ne se défendent pas, malheureusement pour eux.
Massacre des dauphins par les Japonais. By Yeimaya . (CC BY-NC-ND 3.0)
Quand on sait que le dauphin est l’un des trois animaux, avec le chimpanzé et l'éléphant, à posséder la conscience de soi, quand on sait que cet animal possède un coefficient d’encéphalisation (Q.E) de 5,6 (contre 7 pour l’homme et 2,5 pour le chimpanzé), on prend conscience de la souffrance tant physique que psychologique qu’il doit ressentir face à ces actes de barbarie totalement injustifiés, et provenant de celui qu’il considère comme un ami.
"Sourire" du Grand dauphin. By Leo Reynolds . (CC BY-NC-ND 3.0)
Bien sûr, la communauté internationale condamne les pratiques japonaises mais que fait-elle concrètement pour arrêter ce massacre ? Rien, comme d’habitude.
Il nous appartient donc, à nous les anonymes, de nous élever avec force et de faire pression pour que les Japonais cessent de se comporter comme des barbares.
Manifestation contre le massacre des dauphins à Madrid. By Igualdad Animal | Animal Equality
Jamais à court d’idées, l’armée a contourné l’instinct pacifique du dauphin vis-à-vis de l’homme en le dressant à arracher les tuyaux respiratoires des plongeurs ou à venir les toucher avec une seringue contenant un produit mortel.
On a même équipé des dauphins d’un fusil attaché sur la tête. Dès que le bout du fusil touchait le plongeur, la balle partait.
Quel avenir pour les dauphins soldats ?
Officiellement, l’armée américaine a affirmé avoir stoppé ces pratiques depuis 1992. On sait qu’il n’en est rien car des mammifères marins ont été utilisés en Irak.
En 2001, une vaste opération baptisée « Blue Game » s’est déroulée le long des côtes de la Norvège.
Des dauphins dressés avaient pour mission de localiser des mines datant de la Seconde Guerre mondiale.
C’était également l’occasion pour l’armée d’entraîner les dauphins-soldats.
Dauphin militaire. Photo courtesy u.s navy
Il est vrai par contre qu’en 1994, environ un tiers des dauphins soldats, furent démobilisés. Ceux qui s’étaient illustrés, notamment durant la guerre du Viêt-Nam, furent transférés dans une base pour y finir leur vie.
Les autres ont été répartis entre plusieurs cirques marins et aquariums malgré les vives protestations des associations de défense des droits des animaux.
Du côté soviétique, pendant la même période, une cinquantaine de dauphins et de bélugas de l’ex-marine soviétique étaient détenus dans des conditions sanitaires exécrables près de Sébastopol, au bord de la mer Noire.
A cette époque, la Russie était en pleine crise économique et faute de budget, les animaux étaient sous-alimentés et restaient enfermés dans des cages immergées dans de l’eau polluée.
Déjeuner après l'exercice. Photo courtesy Navy NewsStand
Devant cette situation intolérable, c’est le Marineland d’Antibes (France) qui a apporté un soutien financier et technique pour sauver les dauphins.
Aujourd’hui, la conquête océanographique est l’une des priorités des grandes puissances. Celui qui réussira à contrôler les océans pourra dominer le reste de la planète.
Cette conquête est bien plus primordiale, à court terme, pour la survie de l’humanité que la conquête spatiale.
Otarie soldat. Photo courtesy Navy NewsStand
Dans les années 1980, des expériences ont été effectuées avec des orques et des baleines.
Etant donné le potentiel énorme de ces animaux, on se doute bien que l’armée n’est pas prête d’abandonner ses expériences.
Et sans vouloir me montrer excessivement pessimiste, je pense que la survie des mammifères marins sera liée dans un futur proche à l’utilisation que l’homme peut en faire.
Il est fort probable que nous arrêterons de les massacrer, le jour où notre propre survie dépendra de la leur.